La fin du 19ème siècle a marqué une profonde transformation du continent africain, les puissances coloniales européennes se partageant et exploitant ses vastes ressources sans égard pour les cultures et frontières politiques autochtones. Bien que la vague de décolonisation du milieu du 20ème siècle ait mis fin à la domination coloniale formelle, une nouvelle ruée est apparue ces dernières décennies. Les puissances mondiales traditionnelles et émergentes se disputent désormais l’influence et l’accès aux ressources stratégiques de l’Afrique.
Cette ruée moderne est un jeu complexe d’intérêts économiques, politiques et géostratégiques, avec des acteurs clés comme la Chine, la Russie et les anciennes puissances coloniales telles que le Royaume-Uni et la France, déployant diverses stratégies pour asseoir leur influence sur le continent.
La République de Guinée, riche en ressources minérales comme la bauxite et le fer, est un pays convoité où ces puissances cherchent à asseoir leur emprise économique et politique.
L’engagement de la Chine en Afrique a été caractérisé par d’énormes investissements dans des projets d’infrastructures, y compris routes, chemins de fer, ports et télécommunications. De nombreux pays africains dont la Guinée sont des participants clés de l’Initiative et la Route chinoise, visant à améliorer les routes commerciales mondiales et l’intégration économique. La demande chinoise en matières premières a également motivé les investissements dans les industries minières guinéennes, tandis que son approche de soft power inclut la diplomatie, les échanges éducatifs et le renforcement des capacités locales.
La Russie, quant à elle, a considérablement accru sa présence et sa coopération militaires en Afrique, fournissant des armes et une formation à divers gouvernements Africains.
Par des initiatives diplomatiques, la Russie vise à se positionner comme un contrepoids à l’influence occidentale sur le continent. Des entreprises russes sont également impliquées dans les secteurs minier, énergétique et agricole guinéens, cherchant à exploiter la vaste base de ressources de l’Afrique.
Les puissances occidentales traditionnelles comme le Royaume-Uni et la France, l’ancienne puissance coloniale en Guinée, conservent une influence significative grâce à des liens économiques, des bases militaires et des alliances politiques. Ces nations continuent à fournir une aide au développement substantielle à la Guinée, souvent avec des conditions reflétant leurs intérêts stratégiques. Les entreprises occidentales sont fortement impliquées dans l’extraction de ressources, la finance et les secteurs technologiques guinéens.
Les implications de cette nouvelle ruée pour l’Afrique et des pays comme la Guinée sont multiples et complexes.
Sur le plan économique, les investissements étrangers ont contribué à un boom des infrastructures, stimulant potentiellement la croissance économique. Cependant, la dépendance aux prêts étrangers, surtout chinois, soulève des inquiétudes quant à la viabilité de la dette et aux possibles dépendances néocoloniales. De plus, la compétition pour les ressources naturelles peut mener à l’exploitation et la dégradation environnementale, avec des bénéfices limités pour les populations locales.
Politiquement, l’implication de multiples puissances étrangères en Guinée peut exacerber l’instabilité, les rivalités se jouant sur le sol guinéen. La jeunesse guinéenne doit trouver un équilibre délicat entre tirer parti des investissements étrangers tout en préservant sa souveraineté acquise par des sacrifices et en évitant les manipulations extérieures.
Sur les plans social et culturel, la présence étrangère accrue en Guinée apporte à la fois des opportunités d’échanges culturels enrichissants et des risques. De plus, la poursuite d’intérêts stratégiques et économiques par les puissances étrangères fait souvent fi des questions de droits humains et de gouvernance dans le pays.
La nouvelle ruée vers l’Afrique soulève des défis de taille pour la démocratie et la souveraineté des nations africaines. En Guinée, l’avenir politique demeure incertain suite au récent coup d’État renversant le gouvernement démocratiquement élu. Cette instabilité révèle les risques géopolitiques que représentent les interventions étrangères pour les jeunes démocraties africaines. Bien que la prospérité économique promise par les investissements internationaux soit attrayante, la préservation des institutions démocratiques et des processus électoraux libres et équitables doit demeurer la pierre angulaire du développement durable en Afrique. Les dirigeants africains sont confrontés au défi ardu de tirer parti des opportunités économiques offertes par les puissances étrangères, tout en résistant aux tentatives d’ingérence et de manipulation contraires aux aspirations démocratiques de leurs peuples. Une gouvernance responsable, ancrée dans le respect de la souveraineté populaire, demeure la clé pour que l’Afrique puisse relever les défis de cette nouvelle ère et suivre une voie de progrès autodéterminé.
Lancine SACKO